L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE Sénégal) est un mécanisme qui promeut la redevabilité dans le secteur de l’industrie extractive au Sénégal, les mines et les hydrocarbures. L’idée, c’est de disposer d’informations exactes sur les montants qui sont payés par les opérateurs miniers, les entreprises minières et pétrolières à l’Etat, au titre des taxes, des impôts, des redevances. Cette transparence concerne aussi les montants encaissés par l’Etat. Dans cet entretien, Cheikh Tidiane Touré, secrétaire permanent de l’Itie Sénégal fait le point sur la préparation du premier rapports ITIE du Sénégal qui doit être remis le 17 octobre prochain.
Le Soleil : Le Sénégal devait produire deux rapports ITIE, mais, jusque là , ils tardent à être bouclés. Qu’est-ce qui explique ce retard ?
Cheikh Tidiane Toure : Effectivement, pour se conformer aux exigences de la norme ITIE, le Sénégal doit publier son premier rapport ITIE en octobre 2015. Cependant, le groupe multipartite qui est une sorte de comité de pilotage, a décidé de produire un rapport ITIE test, avant de publier son rapport officiel.
Lorsque nous avons démarré ce travail en janvier dernier, nous nous sommes rendus compte que plusieurs structures (administration et entreprises) n’étaient pas techniquement prêtes pour fournir toutes les informations sollicitées dans les conditions qui pouvaient satisfaire aux exigences de l’Itie. Nous avons donc dû procéder à un ajustement technique pour finaliser les paramètres de l’étude, ce qu’on appelle « cadrage » dans notre jargon.
Ce travail nous a pris trois mois, mais son résultat est assez positif. Il a permis au groupe multipartite d’arrêter définitivement une liste des entreprises et des structures publiques qui seront soumises à la déclaration.
De même, il aura permis de fixer, de manière rigoureuse, un seuil de paiement significatif, qui satisfait aux exigences de l’Itie. Nous avons lancé, depuis plusieurs semaines, la collecte des données que nous sommes sur le point de clôturer.
Malheureusement, à ce jour, les résultats sont loin de satisfaire aux attentes de l’Itie. Des efforts importants sont nécessaires, et chacun devra prendre ses responsabilités pour aider notre pays à franchir un pas important dans la mise en œuvre de son agenda de transparence et à honorer ses engagements vis-à -vis de l’Itie.
Le Soleil : Qu’est-ce qui peut expliquer ce retard dans la livraison des données par les entreprises concernées ?
Cheikh Tidiane Toure : Je dois dire que la collecte a été bien lancée avec des ateliers d’orientation sur les formulaires organisés aussi bien pour l’administration que pour les sociétés privées. Nous sommes donc partis sur une note optimiste, surtout qu’au niveau de l’administration, plusieurs structures publiques qui avaient participé à l’étude de cadrage ont eu l’occasion de mettre à jour leurs bases de données et de réorganiser ainsi leurs systèmes d’information à l’interne.
Cependant, nous avons quelques difficultés avec une entité, et nous allons tenter de trouver des solutions avec la tutelle. Pour ce qui est du privé, la situation est un peu plus complexe et vous avez trois catégories.
Vous avez des compagnies qui comprennent bien les enjeux et qui participent sans aucune réserve, et nombre d’entre elles ont pris les dispositions nécessaires pour nous faire parvenir leurs déclarations.
Ensuite, vous avez d’autres compagnies qui ont pris des engagements fermes, et nous n’avons aucune raison de douter de leur bonne foi. A ces compagnies, nous demandons de redoubler d’efforts pour nous soumettre leurs déclarations avant le Vendredi 26 juin 2015.
Enfin, vous avez quelques deux à trois compagnies qui ne sont pas enthousiastes, malgré tous nos efforts, pour maintenir le dialogue et faciliter la collaboration. Des solutions appropriées seront trouvées avec le gouvernement le moment venu.
L’enjeu, c’est que la non participation de ces compagnies pourrait remettre en cause la volonté de l’Etat et affecter négativement la notation du Sénégal, au moment de l’évaluation. Je ne suis pas sûr que ces compagnies soient prêtes à assumer cette responsabilité.
Le Soleil : A quoi peut s’attendre une société qui refuse de collaborer ?
Cheikh Tidiane Toure : La bonne pratique, c’est d’abord comme on l’a fait : rechercher des solutions par le dialogue. Ensuite, vous avez la Norme ITIE qui exige que la liste des sociétés qui ne se seraient pas conformées à la déclaration, soit divulguée dans le rapport ITIE.
Dans certains pays, la société civile a exigé que leurs noms soient publiés dans la presse, et elles ont été la cible des campagnes de la société civile. Il y a aussi des pays qui ont voté une loi qui rend obligatoire la participation des compagnies dans les rapports ITIE. Au Sénégal, il faut noter que le projet de Code minier qui devrait passer bientôt à l’Assemblée nationale, fait obligation aux sociétés minières de déclarer leurs paiements et autres informations pertinentes aux instances de l’Itie.
Il y a eu aussi parfois des cas plutôt difficiles o๠les relations entre l’Etat et l’investisseur se sont plus ou moins détériorées. De façon générale, on peut constater que la plupart des gouvernements prennent très au sérieux leurs engagements vis-à -vis de l’Itie.
Ma conviction, c’est qu’au Sénégal, nous parviendrons à trouver les ressorts intelligents pour que le pays puisse réussir sa candidature à l’Itie, car nous sommes aussi sur un aspect de la responsabilité sociale de l’entreprise, si chère au secteur privé.
Avec Le Soleil