Une table ronde organisée par WIM Senegal sur le financement des projets portant sur l’autonomisation de la femme dans le secteur des industries extractives a été présidée le jeudi 25 mars 2021 par Monsieur Oumar SARR, Ministre des Mines et de la Géologie. Cette activité intervient dans un contexte de pandémie de la Covid-19 qui a fortement impactée la vie et les activités des femmes des communautés hôtes.
Cette rencontre a réuni les parties prenantes, les décideurs, les acteurs, les partenaires et de développement et les communautés hôtes autour du thème « Quelle contribution des parties prenantes pour l’autonomisation de la femme dans le secteur extractif ? ».
Lors de l’ouverture de l’événement, la Présidente du Comité national ITIE, Professeur Awa Marie COLL SECK a rappelé le rôle que pourrait jouer les femmes dans le secteur extractif et appelé les acteurs à plus d’efforts en vue de leur autonomisation.
Dans le rapport ITIE Senegal de 2019, les sociétés déclarantes, employaient 7.951 personnes dont 95,2% de nationaux. Les femmes étaient au nombre de 668 et ne représentaient que 8,4% de l’effectif global.
L’orpaillage traditionnel a aussi été étudié. Les enfants et les femmes sont très actives dans le secteur informel moins lucratif. En effet, dans une étude faite dans la région de Kédougou, il a été estimé que près de 50 % de la main-d’œuvre est constituée de femmes et 6 % d’enfants.
Les mesures relatives à la promotion du contenu local laissent espérer une source de revenus et d’emplois potentiellement importante pour les hommes et les femmes. En plus, l’article 115 du Code minier prévoit que le plan de développement local devra « intégrer les projets d’autonomisation de la femme ».
Extrait Discours de la Présidente du CN-ITIE – jeudi 25 mars 2021.
Le Ministre des Mines et de la Géologie Oumar SARR, en prononçant son discours a insisté sur l’importance de désagréger les données et de l’autonomisation économique de la femme par la mobilisation de dispositifs d’encadrement et de financement souples et efficaces.
A l’entame de mes propos, permettez-moi, Mesdames, Messieurs, de féliciter l’association WIM SENEGAL pour le travail qu’elle abat quotidiennement auprès des femmes des communautés et des jeunes filles à travers le Sénégal.
Ma présence parmi vous m’est d’autant plus agréable que le thème débattu ce matin, s’inscrit en droite ligne de la vision de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Macky SALL qui, conscient de la place prépondérante de la femme au sein de notre société, a demandé au Gouvernement, lors de sa communication en Conseil des Ministres du 23 janvier dernier, d’accroître davantage, le soutien de l’Etat aux initiatives des femmes. Il a également indiqué toute l’importance qu’il accorde à la promotion des femmes, notamment dans les institutions nationales et locales et, a exhorté le gouvernement à accentuer l’autonomisation économique de la femme par la mobilisation de dispositifs d’encadrement et de financement souples et efficaces.Je voudrais en outre, lancer un appel aux compagnies minières, à l’ITIE et aux autres parties prenantes afin que leur système de rapportage soit sensible au genre avec des données plus désagrégées permettant la matérialisation les article 109 et 115 du Code Minier auxquels je faisais tout à l’heure référence. Ces mesures contribueront sans aucun doute à favoriser l’accès des femmes aux instances de décisions nationales et locales mais aussi à accompagner la jeunesse surtout les jeunes filles.
Extrait Discours Ministre des Mines et de la Géologie
Par ailleurs, selon Catalyst (Organisation à but non lucratif qui travaille sur le leadership des femmes) révèle qu’en 2018, au Canada, les femmes représentaient:
- 17,9% de la population active dans l’extraction minière, les carrières et l’extraction de pétrole et de gaz.
Toujours selon Catalyst, la diversité des sexes diminue avec le niveau d’ancienneté. De façon globale, les femmes représentent:
- 27% of entry-level positions (Nouveaux sortants de l’Université et d’Ecole d’Etudes Supérieurs)
- 25% of mid-career roles (Seniors/Superviseurs)
- 17% of senior/executive-level roles (Directeurs/ /Coordonnateurs et Chefs de Département)
- 1% of CEOs (PDG)
Dans le contexte du Sénégal, les chiffres suivent la même tendance dans le secteur extractif. En effet, les emplois dans les mines sont représentés en grande partie par des métiers qui sont considérés comme demandant une certaine technicité, il est dès lors important d’insister sur la formation scientifique et technique.
1. Faire un diagnostic plus global
En analysant les chiffres du Bac 2020, pour les inscriptions au concours, sur les 155.109 candidats, si le pourcentage des filles représente 52.84% de façon globale, elles ne sont que 22% en T1, 15% en T2, 37% en S1, 44,71% en S2 etc. Elles excellent en série L (série littéraire) : 53,5% en L2 jusqu’à 69,57%.
Au-delà de ce constat, il est important de relever la proportion importante d’échecs scolaire et des femmes également exclues des systèmes scolaires classiques et formalisés.
Le taux d’alphabétisation des femmes (15 ans et plus) pour 2017 était de 39,8 %[1]. Pour les 15-24 ans, le chiffre était à 63,5 %. Et pour les femmes de plus de 65 ans, le taux d’alphabétisation s’élevait à 7,29 % en 2017[2].
En plus de la formation, l’autonomisation passera par la responsabilisation et la représentation dans la Gouvernance du secteur des ressources naturelles, en allant dans le détail des chiffres de l’emploi formel du Rapport ITIE 2019, on constate que les femmes représentent 5% des cadres supérieurs des 25 grandes entreprises des secteurs minier et pétrolier au Sénégal. Cependant, force est de constater que globalement, hommes et femmes confondus, les cadres sénégalais ne représentent que 48% de cette classe professionnelle.
Femmes | Hommes+Femmes | |
Cadres supérieurs | 5% | 48% |
Souvenons-nous de la citation du Pr Cheikh Anta Diop pour renverser la tendance: « Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents (…) et arrachez votre patrimoine culturel. ».
2. Travailler sur le plan sociologique et la structuration économique
Posons-nous la question, comment dans le Walo des Braks, des reines légendaires comme Ndjeumbeut Mbodj et Ndaté Yalla ont-elles pu régner sur leurs congénères pendant des périodes troubles marquées par des tensions avec le colonisateur et d’autres peuples ?
En effet, formées pour diriger le peuple, militairement comme politiquement, les linguères étaient aptes à prendre soin du royaume.
De même, en pays ajamaat «égalitaire» comme chez les diolas qui ne reconnait ni castes des métiers, ni classes sociales au sens absolu de ces termes, cette situation a favorisé le fait que les prêtresses Alaà± Di-So Bassène ou Aliin Sitoé Diatta soient très écoutées dans tout le pays Ajamaat.
C’est pourquoi d’ailleurs, il faut prendre en compte cette dimension socio-anthropologique dans les zones d’exploitation : Tivaoune-Darou Khoudoss (région de Thiès), Matam, Saint-Louis, Fatick, Kédougou n’ont pas les mêmes réflexes quant au traitement à réserver aux femmes dans la société, notamment en termes d’autonomisation.
Les femmes sénégalaises diront sans doute qu’elles sont bien intégrées dans le secteur de la Médecine/Pharmacie, du Commerce-Management, du Marketing, de l’Hôtellerie-Restauration, des Sciences Juridiques, de l’Economie sans oublier les traditionnels secteurs primaires (agriculture, élevage, pêche, transformation produits halieutiques).
La faiblesse réside plutôt dans la dimension structurelle de notre économie :
+ Plus de 70% des emplois se trouve dans des entreprises du secteur informel. L’économie sénégalaise se caractérise par une forte présence du secteur informel qui contribue à hauteur de 41,6% du PIB et 39,8% de la production nationale (DPEE, 2018).
+75% des femmes sénégalaises évoluent dans le secteur informel selon l’ANSD.
Dans ce contexte, il nous faut des projets extractifs intégrés avec la prise en compte dans les politiques de contenu local et les démarches RSE de l’autonomisation des femmes. Cela nécessite un suivi rigoureux de la part des services compétents de l’Etat et des Organisations de la Société Civile.
3. Opportunités et défis
- Analyses et anticipation par rapport aux opportunités: nous avons des mines qui sont en train de naitre : Chesser Resources, Barrick Gold pour ne citer que ceux-là ont publié les résultats de leurs derniers sondages géologiques en Février-Mars 2021. C’est le moment de signer des conventions avec ces entreprises sous le parrainage du Ministère des Mines pour l’autonomisation des femmes des communautés hôtes et une discrimination positive pour les emplois, la prise en charge de la formation des jeunes filles etc.
- Avec la loi sur le contenu local en préparation, le secteur minier doit montrer la voie pour offrir plus d’opportunités aux femmes et aux jeunes à l’image de l’Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneures (We-Fi) ou du Black Economic Empowerment (BEE est un concept sud-africain mis en place en 2000, qui trouve sa justification dans les inégalités sociales). Prenons l’exemple de la charte de la construction d’Afrique du Sud, signée en mars 2006. Toutes les entreprises opérant dans ce secteur ont cinq ans pour réaliser les objectifs suivants : 25 % du capital doit être détenu par des intérêts noirs, dont 10 % par des femmes ; 40 % des sièges au conseil d’administration devront être confiés à des personnes noires ; 30 % à 50 % des cadres devront être noirs ; 70 % des achats devront être réalisés auprès d’entreprises BEE.
- Financement, un gros défi, il faut mobiliser les ressources internes et les acteurs du secteur doivent soutenir l’effort des pouvoirs publics.
- Il y’a parmi les entreprises partenaires de WIM qui bénéficient d’une exonération par rapport à la CFCE à la charge de l’Employeur. Cet impôt a été alloué à la Formation professionnelle (Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique, communément appelé 3FPT) sur décision du Président de la République. Le paradoxe est que même des Administrations telles que l’ITIE paient cet impôt. C’est un manque à gagner pour la formation professionnelle dont celle des femmes.
- L’article 115 du Code minier de 2016 dispose que pour les titulaires de titres miniers contribuent à hauteur de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxe annuel au fonds d’appui au développement local. Les actions à réaliser avec ce fonds doivent être définies dans un plan de développement local. Ce plan de développement local doit intégrer les projets d’autonomisation de la Femme.
Le Comité national ITIE a fait le calcul pour 2019, c’est environ cinq (5) milliards que les vingt (20) grandes entreprises minières et de carrière devaient verser à ce fonds sur un chiffre d’affaires global d’un peu plus de 1.000 milliards de FCFA en 2019.
- Instaurer une redevabilité liée au fonds de péréquation, les fonds (plus de 20 milliards) ont été répartis mais jamais alloués aux collectivités territoriales. Ce fonds est notamment dévolu à l’équipement des collectivités territoriales. Les équipements pour l’éducation, la formation et l’autonomisation des femmes devraient être privilégiés.
- Demander plus de redevabilité dans l’exécution des programmes consacrés aux femmes et aux enfants dans le Budget de l’Etat, suivre l’exécution budgétaire, c’est une des voies de la réussite vers l’autonomisation des femmes.
- Enfin, les zones d’extraction étant souvent enclavées et dénuées de certaines commodités, des réformes seront nécessaires par rapport aux impacts sexospécifiques des activités extractives.
[1] http://uis.unesco.org/country/SN
[2] http://uis.unesco.org/country/SN
Consulter également les pages 303 et 304 du Rapport 2020 du World Economic Forum